Une mini-nouvelle offerte à l’occasion de la Saint-Valentin
Pour cette Saint-Valentin, j’avais envie de vous offrir une mini-nouvelle : un texte court, sensible et inédit, écrit spécialement pour vous. Un moment suspendu entre Madeleine et Armand, personnages de Libérer les Secrets, pour vous rappeler que l’amour peut encore nous surprendre… même après tant d’année de vie commune.
Madeleine et Armand, une flamme à rallumer
D’un regard circulaire, Madeleine balaya l’atelier. Tout était en ordre. Les couturières avaient soigneusement rangé leur travail, éteint leurs machines à coudre et jeté fils, papiers et chutes de tissu à la poubelle. Demain matin, comme d’habitude, la première arrivée ouvrirait les fenêtres et préparerait le café et le thé. La main sur l’interrupteur, elle regarda les six postes de travail et poussa un soupir de satisfaction.
Madeleine enfila son manteau en poil de chameau et s’attarda un instant devant le miroir. D’un geste précis, elle ajusta son écharpe blanche en cachemire, la laissant glisser autour de son cou, puis attrapa un chapeau cloche assorti qu’elle enfonça jusqu’au ras des yeux. Satisfaite, elle serra la ceinture de son manteau, enfila ses gants de cuir coordonnés à ses bottes et à son sac, puis quitta la boutique. Elle abaissa le rideau métallique d’un geste assuré, tourna la clé dans la serrure et prit la direction de l’appartement familial, avenue Charles Floquet. Vingt minutes de marche rapide l’attendaient, un instant propice pour faire le point sur sa journée avant de retrouver Armand.
Mais ce soir, elle n’avait pas la tête à cela. Il était près de vingt heures, et une fois de plus, elle rentrait tard. Le samedi était devenu la journée la plus intense à l’atelier.
Sur le chemin, la conversation entendue à la boutique tout à l’heure lui revenait en boucle. Deux clientes commentaient un article paru dans ELLE sur la Saint-Valentin.
Perdue dans ses pensées, elle trébucha et se rattrapa de justesse à un arbre.
Depuis le départ des enfants, un silence s’était installé entre elle et Armand. Pas d’animosité, juste une cohabitation devenue trop sage. Elle reconnaissait que son atelier prenait une place énorme dans sa vie. Elle était si fière de sa réussite. Armand ne lui reprochait rien, mais un soir, il avait cessé de l’attendre pour dîner. Lorsqu’elle rentrait, il ne se levait plus pour l’accueillir et la serrer dans ses bras. Absorbé par une émission, il ne remarquait même plus son arrivée. Parfois, elle trouvait le salon plongé dans le noir : il s’était enfermé dans son laboratoire photo au fond de l’appartement.
Au début, un pincement au cœur l’avait saisie, mais par fierté, elle n’en avait rien laissé paraître. Peu à peu, elle s’était persuadée qu’il était trop tard pour y remédier.
C’est pourquoi en entendant la conversation des deux femmes, Madeleine avait dressé l’oreille.
— J’ai décidé de surprendre mon mari cette année avec un dîner raffiné, juste nous deux, pour la Saint-Valentin, avait dit la première.
— Mais c’est à lui de rentrer avec un bouquet de fleurs à la main et de vous faire la surprise ! Et s’il arrive les mains vides ? s’était exclamée la seconde.
— Ce n’est pas un bouquet de fleurs qui va nous empêcher de passer une belle soirée ! Et puis, ce sera une première, nous ne l’avons jamais fêtée.
Cette réponse avait touché Madeleine, un éclat avait traversé ses yeux. Il y a quelques années, elle aurait réagi comme cette cliente. Mais ce qui l’ébranlait aujourd’hui, c’était de réaliser qu’elle avait baissé les bras, ce qui ne lui ressemblait pas. Elle n’avait jamais douté d’Armand. C’était un mari et un père formidable. Pourtant, elle l’avait perdu.
Alors, une idée germa en elle. Et si elle profitait de cette fête pour raviver la flamme ? Elle connaissait Armand : il bouderait d’abord, histoire de lui faire comprendre qu’elle avait exagéré. Puis, il se laisserait entraîner, heureux de la retrouver. Il lui restait une semaine pour orchestrer une surprise.
Le lendemain, Madeleine se sentit étrangement légère. Organiser cette soirée pour Armand lui redonnait une énergie qu’elle pensait disparue. À table, il lui parla d’un jeune pianiste, âgé de 21 ans, que leur dernier fils lui avait fait découvrir la veille, lors d’un déjeuner.
— Michel Petrucciani, un virtuose de jazz… Il est parti vivre aux Etats Unis.
— Ah oui ? dit-elle, intriguée.
— Il donne un concert à Paris, vendredi prochain.
— Le 17 février ?
— Oui ce doit être cela, je crois qu’il a lieu au Musée d’Art Moderne.
Elle croisa son regard. Il sembla surpris et détourna la tête.
Le soir de la Saint-Valentin, elle rentra plus tôt que d’habitude. Armand écoutait de la musique, un verre à la main. Elle lui tendit une enveloppe. Il fronça les sourcils en découvrant les billets. Un silence… qui parut une éternité à Madeleine. Elle douta.
— Petrucciani ? dit-il, un sourire furtif aux lèvres.
Il leva enfin les yeux vers elle.
— Ça te plaît ? murmura-t-elle.
Son sourire s’élargit. Alors, elle plongea son regard dans le sien.
— C’est la Saint-Valentin.
Armand secoua la tête, la prit dans ses bras et l’entraîna dans un pas de danse.
— Tu es incroyable !
Une histoire comme un souffle tendre
Ce texte est un cadeau littéraire pour celles qui aiment les histoires douces et vraies, qui parlent de l’usure des jours autant que de la tendresse possible. Une façon de dire qu’on peut aimer encore, différemment, même longtemps après.
Je vous souhaite une Saint-Valentin pleine de chaleur, de musique, et peut-être, de danse improvisée dans un salon trop silencieux.
📚 Pour aller plus loin
Madeleine et Armand traversent les années, les silences, les reconstructions. Retrouvez-les dans Libérer les Secrets, un roman sur l’amour durable et la renaissance après les épreuves.
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