Pourquoi j’ai choisi de parler de ce sujet
Il y a des mots qui reviennent souvent quand je rencontre mes lectrices : culpabilité, silence, et parfois réparation. Ce sont des mots discrets qui viennent de l’intime et de ses zones d’ombre : les erreurs, les absences, les regrets.
Quand j’ai publié Libérer les Secrets, on m’a posé plusieurs fois la question :
« Pourquoi un prologue au début du tome 1 et un épilogue à la fin du tome 2 ? »
Il est vrai que les mères de Victor et Rosalie avaient de réelles raisons de se sentir coupables face aux drames de leurs enfants.
- Mélanie se demande : « Est-ce que je peux encore vivre, vraiment, tant que je ne sais pas si mon fils a un avenir. »
- Madeleine avoue sa culpabilité à son mari, mais rejette sa fille qu’elle ne parvient pas à aimer.
Avec le recul — car l’écriture d’un roman apprend beaucoup sur soi — je me suis aperçue que j’avais construit ces deux tomes avec un prologue et un épilogue situés en dehors de l’enfance, comme pour donner de l’espoir à mes lectrices et aussi mes lecteurs. Pour suggérer qu’il est possible de sortir de cette culpabilité maternelle si profondément ancrée dans notre société, transmise par des injonctions de toutes sortes.
Comme beaucoup d’autres mères, moi aussi, je me suis longtemps sentie coupable…
C’est cette question que j’ai eu envie de creuser ici. Non pour y répondre, mais pour l’ouvrir, la reconnaître, l’accompagner. Car je crois que la culpabilité maternelle, aussi silencieuse soit-elle, mérite d’être regardée avec justesse et compassion.
Ce qui reste en creux : cette tristesse qu’on ne nomme pas
Certaines femmes ne s’en rendent même pas compte. Elles disent qu’elles vont bien. Qu’elles ont tourné la page. Et pourtant, quelque chose en elles reste en attente.
Une fatigue persistante. Une tristesse sans nom. Un doute diffus.
C’est cela, la culpabilité maternelle : une mémoire émotionnelle. Elle ne s’appuie pas toujours sur des faits graves, mais sur une impression tenace de n’avoir pas été là, pas à la hauteur, pas assez attentive.
Sans être formulée, cette culpabilité travaille de l’intérieur. Mauvaise conseillère, elle peut pousser à des gestes de réparation maladroits : excuser l’enfant, le surprotéger, au lieu de l’aider à faire face et à grandir.
Ce que la société attend des mères : entre conditionnement et sacrifice
Il m’est difficile de dissocier la culpabilité des mères de la condition des femmes.
Jeune mère, j’ai découvert L’Amour en plus d’Élisabeth Badinter. Ce fut pour moi — comme pour beaucoup d’autres — une révolution intérieure :
L’amour maternel n’est pas inné.
Les théories de Bruno Bettelheim sur l’autisme me révoltèrent : c’était la faute des mères !
Les écrits de Simone de Beauvoir, ses relations avec sa propre mère, Ainsi soit-elle ! de Benoîte Groult, et d’autres lectures ont fait surgir des questions qui ne m’étaient jamais venues à l’esprit, tant j’étais conditionnée.
On revient de loin. La société patriarcale utilisait — et utilise encore parfois — la culpabilité comme levier pour empêcher les femmes de vivre leur vie. Une femme qui travaille, qui sort, qui s’épanouit en dehors du foyer… mettrait ses enfants en danger.
Cette idée reste tapie dans les replis d’une mémoire collective.
Quand le bien-être de la mère dépend de celui de l’enfant
Cette culpabilité se transmet insidieusement de génération en génération. C’est pourquoi il est plus facile de comprendre que certaines femmes n’arrivent pas à se réparer tant que leur enfant souffre.
Elles sont même convaincues que leur bien-être dépend de celui de leur enfant.
Elles n’osent pas guérir tant qu’elles n’ont pas la certitude qu’il va bien. C’est une forme de loyauté silencieuse, presque sacrificielle :
« Je ne peux pas vivre pleinement tant que je crois qu’il ou elle porte encore une trace de mes manquements à mon rôle de mère. »
Et cela peut durer des années. Même quand l’enfant ne reproche rien. Même quand il semble avoir tourné la page. La mère, elle, reste suspendue à un mot, un signe, une forme de réconciliation. Comme si son propre droit au bonheur en dépendait.
On parle souvent de résilience individuelle. Mais ici, la réparation est conditionnelle : elle a besoin de l’autre. De son pardon. De sa paix. De son amour retrouvé, même discret.
Quand l’enfant va bien… mais que la mère ne s’autorise pas à le croire
Ce paradoxe est fréquent.
L’enfant s’est reconstruit. Il ne vit pas dans le reproche. Il est debout. Mais la mère, elle, n’ose pas y croire.
Pourquoi ? Parce qu’elle connaît l’ampleur de ce qui n’a pas été. Parce qu’elle se méfie du silence. Parce qu’elle a peur de trahir la mémoire de sa propre culpabilité en allant bien.
Madeleine en est l’exemple. Même quand sa fille réapparaît dans sa vie, elle ne sait plus comment l’aimer. Elle garde une forme de distance, comme si elle attendait une sanction.
Et c’est cela qui me touche profondément dans la culpabilité maternelle :
Cette difficulté à se pardonner, même quand l’autre a pardonné. Ce besoin d’un absolu — d’un « tout est réparé » — qui n’arrive jamais.
Ce qu’une parole peut faire basculer : « Je vais bien maintenant »
Un jour, parfois, un mot est dit. Il ne vient pas toujours de l’enfant. Il peut venir d’une lettre, d’un souvenir, d’un geste.
Mais il agit comme un déclic.
Dans Libérer les Secrets, il y a une scène dans laquelle Mélanie parle avec son fils. Il ne lui fait pas de reproche. De son côté, elle assume sa part, même si elle ne se pardonne pas. Cette attitude l’aide à trouver les mots qui donneront à Victor la force de grandir.
Dans le roman que j’écris actuellement, le personnage de Mélanie s’est à nouveau imposé à moi. Vous le découvrirez d’ici la fin de l’année. J’ai eu besoin de vous raconter si la mère et le fils se réparaient et comment.
C’est ce que j’appelle la réparation mutuelle. Quand l’enfant ou l’adulte rassure sa mère, non par devoir, mais parce qu’il le peut. Parce qu’il a trouvé en lui suffisamment de paix pour l’offrir à son tour. Il n’y a pas d’âge pour rassurer sa mère.
Quand cette parole ne vient pas, il reste les livres
Mais il arrive aussi que cette parole n’arrive jamais. Que l’enfant ne parle pas. Ou que la mère ne soit plus là.
Alors il faut trouver d’autres chemins. Et je crois que la littérature en est un.
Mes héroïnes assument leurs erreurs à un moment ou un autre, face à leur enfant, à leur conjoint, ou à une amie proche. Mélanie et Madeleine, dans Libérer les Secrets et Laisser Entrer la Vie, se montrent dans leur vérité, leur humanité. C’est un premier pas pour sortir de leur enfer intérieur.
C’est aussi pour cela que j’écris : pour offrir un lieu à ces douleurs tues. Pour montrer que, même après l’éloignement, la vérité peut circuler, la vie revenir.
Lire un roman, c’est parfois entendre une parole qu’on n’a jamais reçue. C’est voir une mère demander pardon, un enfant comprendre, une scène impossible se dérouler autrement.
Ce n’est pas de l’illusion. C’est une manière de réparer symboliquement, d’ouvrir en soi un espace de réconciliation.
Et dans cette circulation, il y a parfois assez de lumière pour avancer autrement.
Et vous ?
Vous êtes peut-être cette mère qui doute encore. Ou cette fille qui n’a jamais entendu les mots qu’elle espérait. Vous lisez peut-être pour comprendre, pour trouver un écho, pour vous apaiser.
Et puis, il y a les hommes, les pères. Ceux qu’on n’attendait pas dans cette histoire-là…
Il y encore quelques années, il n’était pas question qu’un homme se sente coupable et l’exprime. Or, de plus en plus investis dans l’éducation de leurs enfants et leur vie quotidienne, cette culpabilité les touche aussi. Mais c’est une autre histoire…
🌿 À lire si ce sujet vous parle
Si ces lignes résonnent, mes romans pourraient vous accompagner.
Les deux tomes de Libérer les Secrets explorent en profondeur ce que signifie être une mère, avec ses parts d’ombre, de silence, et d’amour imparfait.
Mélanie n’a pas su voir. Madeleine a préféré mentir.
L’une protège, l’autre fuit.
Mais toutes deux cherchent, chacune à sa manière, à réparer le lien.
Un roman psychologique et intimiste, centré sur la culpabilité maternelle, mais aussi sur la transmission, la résilience, et les mots qui, parfois, sauvent.
📚 Libérer les Secrets est un roman sur la maternité, mais surtout sur les femmes qui apprennent, peu à peu, à se dire la vérité.
À lire si vous aimez les histoires sincères, les émotions contenues, les relations mère-fille ou mère-fils complexes… et les fins ouvertes, mais apaisées.
👉 Découvrez les tomes ici en ebook ou broché :
Libérer les Secrets tome 1,
suivi de Libérer les Secrets tome 2,
ou Libérer les Secrets l’Intégrale.